Le pavé dans la Pub n°20 / hiver 2022 - Télétravail et droit à la déconnexion

Publié le 22/12/2022 (mis à jour le 23/12/2022)

C’est devenu le pain quotidien de la plupart des salariés de la pub ! Le télétravail, dans la durée comme c’est le cas actuellement, peut être très mal vécu. Pour certains, il va se traduire par une trop lourde charge de travail et pour d’autres, à l’inverse, une mise au placard.  
Dans le monde d’avant, il y avait déjà des commerciaux et des créatifs qui avaient beaucoup de boulot, car tout le temps sollicités. Leurs directeurs de créa ou de clientèle aimaient bien travailler avec eux, car il les trouvaient « bons », avis susceptible de changer rapidement d’ailleurs. Les autres se contentaient des briefs peu reluisants, des urgences, des moutons à cinq pattes… mais c’était toujours ça à se mettre sous la dent.

Le phénomène s’est amplifié avec la crise sanitaire et le télétravail qui en a suivi. Ceux qui avaient déjà beaucoup de travail en ont encore davantage aujourd’hui. Ceux qui en avaient peu se retrouvent aujourd’hui sans rien.

D’un côté, il y a des personnes qui travaillent beaucoup plus qu’avant, voguant de réunions en réunions, le nez sur l’ordinateur toute la journée, et le sentiment de toujours courir derrière le travail et qu’il n’y aura jamais de pause. La vie personnelle n’existe plus, c’est boulot-dodo. Et personne pour se plaindre puisque les contacts quotidiens avec l’entreprise se déroulent avec le responsable, qui subit lui aussi la pression. 

De l’autre côté, des salariés jugés moins indispensables, qui se retrouvent sans travail, isolés, tout en devant rester mobilisés toute leur journée pour l’entreprise au cas où on les appelle.

Dans les deux cas, le télétravail entraîne des déprimes et une dégradation des relations familiales. Les burn-out ou bore-out sont en recrudescence. D’après l’enquête menée fin avril 2020 par Respublica, en partenariat avec la CFDT notamment, le télétravail n’est pas synonyme de bien-être et d’épanouissement pour la majorité des salariés. L’absence de frontières entre vie professionnelle et personnelle, le sentiment d’isolement et le manque de communication avec sa hiérarchie peuvent conduire à des détresses psychologiques.

Déconnectez-vous, c’est votre droit !

Inscrit dans le Code du travail pour éviter que le digital ne s’immisce dans la vie privée des salariés, le droit à la déconnexion existe. Ce principe a été énoncé dans la loi El Khomri, adoptée le 21 juillet 2016, et repris dans la loi, qui se trouve dans le chapitre II du Code du travail intitulé « Adaptation du droit du travail à l’ère du numérique ».

L’objectif est de permettre aux salariés de concilier vie personnelle et vie professionnelle, tout en luttant contre les risques de burn-out. Cela signifie concrètement qu’en dehors de votre temps de travail (CP, RTT, week-end et soirées), vous pouvez déconnecter votre ordinateur de l’entreprise et refuser un mail, un message ou un appel provenant de votre employeur.

Ce droit à la déconnexion concerne tous les salariés, y compris donc les cadres qui ont opté pour le télétravail. Si ces derniers se doivent de rester disponibles et actifs durant ces plages horaires cadrées, cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont pas le droit de faire des pauses, y compris pour déjeuner.

Négocier un accord

Dans les grandes agences, le droit à la déconnexion fait partie des sujets à aborder lors de la NAO (négociation annuelle obligatoire) sur la qualité de vie au travail en vue d’un accord. En son absence, une charte doit être élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique. Son but est de définir les modalités d’exercice du droit à la déconnexion. Elle doit également prévoir de mettre en œuvre des actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques, aussi bien auprès des salariés, de la hiérarchie et des dirigeants.

Mais la loi El Khomri ne prévoit pas d’obligation d’aboutir à un accord ni de sanctions si ce n’est pas le cas. Cependant, l’employeur peut être sanctionné s’il n’a pas respecté son obligation de mener des négociations sur la qualité de vie au travail ou s’il ne respecte pas la durée du repos du salarié.

En juillet 2018, la Cour de cassation a rappelé l’obligation, pour une entreprise, d’indemniser ses salariés contraints indûment de rester disponibles. Le salarié concerné a pu toucher un dédommagement de plus de 60 000 euros.