CRISE SANITAIRE COVID-19 : LES MESURES EN FAVEUR DU SECTEUR CULTUREL

Publié le 21/04/2020

ÉTAT DES LIEUX

Le ministère de la Culture a présenté le 18 mars 2020 une série de mesures spécifiques pour les différents secteurs culturels, tout en envisageant de se rapprocher des collectivités locales pour harmoniser les actions.

Ces mesures viennent, en principe, s’ajouter au train de mesures annoncées le 17 mars 2020 par le ministre de l’Économie et des Finances pour les structures qui y sont éligibles (chômage partiel, délai de paiement des cotisations sociales, etc.)

Elles pourront aussi être complétées par des mesures provenant des régions (maintien des aides aux spectacles annulés, fonds spécifiques pour les situations les plus critiques (par ex : 10 M€ pour spectacle vivant en IDF, 5 M€ pour culture sport et ESS en Aquitaine), soutien de la filière après la crise).

Les opérateurs nationaux sont également mobilisés, chacun pour leur secteur : Centre National de la Musique (CNM), Centre National du Livre (CNL), Institut pour le Financement du Cinéma et des Industries Culturelles (IFCIC), Centre National des Arts Plastiques (CNAP) etc. Ils devront notamment prendre en compte la situation des artistes-auteurs concernés.

MESURES GÉNÉRALES

Les entreprises culturelles sont éligibles au plan général de financement des entreprises, et des indemnités destinées aux salariés (45 Milliards€).

  • Accompagnement du chômage partiel.
  • Délais de paiement des échéances sociales, fiscales, voire remises d’impôts directs.
  • Fonds de solidarité pour les indépendants et TPE.
  • Trésorerie bancaire garantie par la BPI.
  • Remboursement accéléré possible des créances liées aux crédits d’impôts sur sollicitation de la direction générale des finances publiques (DGFIP) pour les secteurs du cinéma, audiovisuel, spectacle vivant, édition phonographique et international.

Les entreprises culturelles du secteur privé (associations, sociétés, EPIC) peuvent bénéficier du dispositif renforcé et simplifié du chômage partiel.

  • Versement d’une indemnité de 70% du salaire brut (84% du salaire net) aux salariés (100% pour le SMIC).
  • Remboursement intégral de l’entreprise par l’État à concurrence d’un plafond de 4,5 fois le SMIC.
  • 30 jours à compter du 16 mars pour faire sa demande avec effet rétroactif.

 

Filière musicale

Le Centre national de la Musique (CNM) va mettre en place un fonds de secours doté de 11,5M€ à destination des professionnels les plus fragiles.

  • 10M€ apporté par le CNM.
  • 1,5M€ apporté par la SACEM, la SPEDIDAM et l’ADAMI (pour 500K€ chacun).

Les fonds alloués sont plafonnés à 11 000€ (avec bonification pour demandeurs veillant à la rémunération des artistes en compensation des prestations annulées, ainsi qu’au paiement des droits d’auteur). Environ 15 000 artistes seraient actuellement privés de revenus en raison de la pandémie.

Le CNM a suspendu la perception de la taxe sur la billetterie des spectacles de variété et musique actuelles, mais aussi la tenue des commissions et donc le paiement des subventions.

Les scènes et structures subventionnées sont exclues de ce dispositif. Sont concernés les associations, les ensembles indépendants (très impactés) et les petits festivals. Les entreprises ou associations ayant fait le choix de maintenir le paiement des cachets aux artistes pourront bénéficier d’une majoration de leur aide.

 

Artistes-Auteurs

Les artistes-auteurs bénéficient des mesures figurant dans les ordonnances adoptées en Conseil des Ministres des 25 et 27 mars 2020.

  • Fonds de solidarité 1 Milliard€.
  • Aide individuelle à hauteur de 1 500 €.
  • Report out étalement du paiement des loyers, factures (eau, électricité, gaz), dettes fiscales et sociales.
  • Prestations en espèce d’assurance maladie.
  • Élargissement du périmètre de financement de l’action culturelle dans le cadre des sommes collectées pour la copie privée, et des sommes « irrépartissables » perçues par les organismes de gestion collective, en faveur du soutien économique des artistes-auteurs.

 

Spectacle vivant (hors musique)

Un fonds d’aide d’urgence du ministère de la Culture est débloqué à hauteur de 5 M€ notamment pour le spectacle vivant privé. Il est destiné à répondre aux difficultés avec une attention particulière pour l’emploi.

Une attention particulière (sic) sera portée aux structures labellisées et subventionnées, en lien avec les collectivités locales impliquées dans leur financement, pour limiter les impacts de la crise, sans précisions supplémentaires.

 

Droits de cession

Le ministère de la Culture demandé aux opérateurs nationaux, comme aux équipements subventionnés ou structures solides financièrement, de faire preuve de solidarité auprès des compagnies et intermittents par le paiement des droits de cession d’exploitation prévus dans les contrats signés avec les équipes artistiques dont les spectacles ont été annulés.

 

Intermittence

Neutralisation de la période de confinement pour :

  • le calcul de la période de référence ouvrant droit à l’assurance chômage et aux droits sociaux des artistes et techniciens ;
  • le calcul et le versement des indemnités de chômage pour les intermittents et pour les contrats courts du secteur culturel ;
  • report au 1er septembre 2020 de la date d’entrée en vigueur des modalités de calcul du salaire journalier de référence servant à déterminer l’allocation d’assurance chômage ;
  • liste évolutive des périodes susceptibles d’être neutralisées.

 

Cinéma

Le Centre national du Cinéma et de l’image animée (CNC) suspend la perception de la taxe sur les entrées en salle.

Les aides prévues pour les salles Art et Essai et pour les structures de distributeurs continueront d’être versées. Un assouplissement des critères d’éligibilité à ces aides est à l’étude.

Toutes les subventions promises ou versées aux manifestations annulées de cinéma restent acquises.

 

Livre

Le Centre National du Livre (CNL) versera les subventions initialement prévues pour les manifestations annulées afin d’aider les organisateurs à faire face aux dépenses engagées.

Une attention particulière sera portée aux rémunérations des auteurs qui avaient été sollicités pour ces événements (sans autres précisions).

Un fond d’urgence de 5 M€ est mis en place par le CNL pour le soutien aux librairies indépendantes et aux éditeurs. Les échéances des prêts accordés aux libraires et aux éditeurs seront reportées.

 

Arts plastiques

Le Centre National des Arts Plastiques (CNL) et les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) vont cogérer un fonds d’urgence de 2 M€ destiné aux artistes, aux galeries et aux centres d’art labellisés.

Un assouplissement des conditions d’éligibilité aux aides des professionnels du secteur est également prévu.

 

Patrimoine

Les mesures générales mentionnées plus haut s’appliquent comme pour l’ensemble des entreprises.

L’ordonnance du 25 mars 2020 autorise le report du traitement des demandes d’autorisation (code du patrimoine, code de l’urbanisme) et l’adaptation des procédures pendant la période d’urgence sanitaire. L’ordonnance suspend les délais d’instruction des dossiers comme les délais de réponse (en principe deux mois). Sont notamment concernés :

  • les travaux sur les monuments historiques inscrits ou classés ;
  • les autorisations temporaires sur monuments historiques classés ;
  • les autorisations des fouilles archéologiques ;
  • les avis des architectes des bâtiments de France dans les espaces protégés.

Concernant les travaux sur monuments historiques appartenant à l’État, les règles de passation, délais de paiement, d’exécution, de résiliation (pénalités contractuelles) prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics sont adaptées par des mesures figurant dans l’ordonnance du 25 mars 2020.

Certaines manifestations nationales seront reportées (Nuit des musées, Rendez-vous des Jardins, etc.)

 

Audiens

Le Groupe Audiens a mis en place des mesures exceptionnelles pour accompagner les entreprises de la culture, prévoyant des facilitations, reports ou échelonnement de paiement des cotisations sans majoration de retard concernant :

  • les déclarations sociales nominatives ;
  • la retraite complémentaire ;
  • les congés spectacles ;
  • la prévoyance et la santé.

Audiens a mis en place un système d’aide pour les artistes interprètes intermittents pour qui plus de 5 jours de travail, ou cachets, ont été annulés.

Par ailleurs le Groupe Audiens s’est associé à NETFLIX, en concertation avec le CNC, pour le lancement d’un fonds d’aide d’urgence destiné aux artistes et techniciens intermittents du cinéma. NETFLIX contribuera à hauteur de 1 M€.

 

ADAMI

L’Adami assure la continuité de ses services :

  • paiement des droits (copie privé, rémunération équitable, droits exclusifs, droits de l’étranger) ;
  • maintien des commissions d’attribution financière aux projets artistiques ;
  • disponibilité des chargés de mission ;
  • disponibilité du conseil juridique.

 

Spedidam

Les équipes de la SPEDIDAM restent disponibles en télétravail.

La SPEDIDAM abonde le fonds de secours du CNM à concurrence de 500 K€.

 

SACEM

Les équipes de la SACEM restent disponibles par mail et téléphone.

La SACEM a adopté un plan de mesures d’urgence destiné à apporter un premier secours pour ses membres les plus en difficulté (auteurs, compositeurs, éditeurs de musique). Ce plan s’articule autour de trois dispositifs :

  • Un fonds de secours.
  • Des avances exceptionnelles de droits d’auteurs.
  • Un renforcement du programme d’aide pour les éditeurs.

Les facturations et prélèvements bancaires des clients-utilisateurs de musique seront suspendus pendant toute la durée du confinement.

Les aides attribuées en 2020 aux manifestations culturelles impactées par le confinement seront maintenues dans la mesure du possible.

 

SACD

La SACD a créé le Fonds d’urgence audiovisuel, cinéma, animation, web, avec la participation du CNC.

Ce fonds a pour objet de fournir des aides aux auteurs d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, ne bénéficiant ni du fonds de solidarité nationale, ni d’une mesure de chômage partiel supérieure ou égale à 1 500 €, afin de leur permettre de faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire.

 

SITUATION

Si l’on peut se réjouir de la radicalité et de la célérité avec lesquelles ont réagi les pouvoirs publics, leurs services, leurs opérateurs ainsi qu’une une grande partie du tissu culturel national face à cette crise inégalée, il n’en reste pas moins nécessaire de veiller à la réalité de son application, à la résolution des cas particuliers imprévus, à la correction des effets pervers comme des indélicatesses.

Le pari général proposé fut de maintenir l’emploi et le pouvoir d’achat par un soutien massif à l’économie durant la période de la crise, permettant de redémarrer l’activité dès la fin du confinement. S’agissant de la première crise sanitaire mondiale de l’histoire, nul ne sait présager de son issue dans le temps et les modalités.

Les mesures qui ont été prises en France s’efforcent de répondre aux besoins de l’appareil productif majoritaire. Il n’est pas possible dans ces circonstances exceptionnelles de prévoir tous les cas et de répondre par avance à toutes les difficultés rencontrées par les acteurs économiques dans leur réalité quotidienne.

C’est notamment le cas du secteur culturel.

Le ministère de la culture et bon nombre de collectivités territoriales ont pris des mesures qui s’ajoutent aux mesures générales, ou compensent leur insuffisance.

Le milieu de la culture est composé d’une majorité de très petites, petites ou moyennes entreprises. Son écosystème est caractérisé par la cohabitation d’un secteur marchand et non marchand, par la présence de subventions indispensables à sa survie et par un système de régulation permettant de soutenir son économie, d’orienter une politique, ou d’infléchir les lois du marché (taxes, crédits d’impôts, prix unique, etc.)

 

La situation sur le terrain semble assez chaotique.

Une cellule interministérielle de crise (CIC), à laquelle participe le ministère de la culture, a été activée le 17 mars 2020. Un centre de crise est aussi instauré au Ministère de la culture.  Des réunions avec les organisations syndicales vont être organisées. Une mission d’accompagnement pour les festivals a été annoncée par le ministre le 06 avril. Les recommandations ministérielles évoluent en fonction des décisions gouvernementales et des remontées du terrain. Elles sont interprétées par les acteurs culturels dans la plus grande confusion. Ainsi, pour exemple, la DGCA travaille sur une FAQ « intermittence » et sur des recommandations ou bonnes pratiques, évitant, tant que faire se peut, confusions et contradictions.

De leur côté, les organismes culturels et partenaires sociaux font assaut de philanthropie boomerang. C’est à qui défendra l’intérêt général en préservant au mieux ses intérêts, voire, en améliorant sa situation. L’industrie culturelle n’est pas en reste. Certains voient leur économie croître (Netflix, Disney), parfois de manière exponentielle (livre numérique), d’autres se tasser (musique en flux) mais beaucoup peaufinent leur image en faisant la charité auprès du milieu culturel.

Toute la chaîne est touchée, de la plus grosse institution à l’intermittent isolé. Les décisions des uns impactent, en cascade, les autres. Les lieux et les événements culturels recevant du public sont fermés. Les festivals ferment en fonction de l’avancée des dates du confinement ou des interdictions officielles. Là aussi, la confusion règne. Certains espèrent rester ouverts du spectacle musical lors que d’autres ont déjà décidé de fermer.  Ainsi, le PRODISS, syndicat national et de variété, fort de 350 membres dont l’essentiel des plus grosses structures, prône dans un courrier adressé au ministère de la culture, un report pur et simple de l’ensemble des festivals à l’année prochaine, par le truchement des assurances et fond de soutien. En réaction, s’est créé un regroupement d’une cinquantaine de festival souhaitant maintenir les manifestations de cet été. Mêmes maintenus certains festivals auraient du mal à conserver intact leur programmation du fait de l’impossibilité de voyager de bon nombre d’artistes étrangers. Le ministère semble vouloir traiter la question au cas par cas. Tous réclament des décisions claires dans des délais raisonnables qui permettent d’être le moins préjudiciable aux structures qui engagent des frais, sans compter les effets sur le public lui-même dont on ne sait s’il pourra ou voudra se déplacer.

 

Les musées, les expositions, les monuments historiques, les sites archéologiques, les spectacles, les concerts et toutes formes de manifestations sont fermés.  Les contrats de cession sont annulés.  Les emplois permanents sont concernés par le chômage partiel, les CDDU aussi mais les intermittents restent inquiets sur la prolongation de leurs droits, et surtout sur leur reconstitution future. Comment acquérir des droits au chômage lorsqu’on est passé au chômage partiel, ou pire lorsque les cachets ont été annulés ou non payés, et de surcroît, lorsqu’aucun contrat ne se profile d’ici la date anniversaire de réexamen de sa situation ?

Les situations sont extrêmement diverses et sujettes à interprétation.