PRESSE : consultation publique sur l'avant-projet de loi de M. Marc Schwartz

Publié le 25/09/2018

La F3C CFDT est l'une des principales organisations syndicales de la filière distribution presse. En tant que composante d'un syndicalisme confédéré, notre position prend en compte non seulement le sort de chacun des salariés des entreprises concernés, mais aussi les perspectives du secteur dans son ensemble et les enjeux sociétaux et politiques inhérents à la presse.

La F3C CFDT s'implique fortement dans la vie de la filière, notamment au travers de son siège au CSMP.  Depuis fin 2017, notre organisation a participé aux travaux de Gérard Rameix et de Marc Scwartz.

Notre voix diffère de celles des autres organisations syndicales. Notre implantation forte chez MLP nous donne un angle d'analyse différent. Nos représentants sont en première ligne face aux déséquilibres de la filière et aux crises provoquées de façon chronique par les difficultés de Presstalis. Aussi la F3C CFDT porte-t-elle un regard critique sur la situation de la distribution presse en France.

Dans ce contexte, nous avons favorablement accueilli la perspective d'une réforme d'ampleur à la suite du nième sauvetage de Presstalis en janvier 2018.

Comme de nombreux autres acteurs, la F3C CFDT en voit bien la nécessité : marché qui se comprime, révolution numérique, concurrence rampante des GAFA, gouvernance dominée par les grands éditeurs et contestée, incapacité de la filière à s'organiser, distorsions de concurrence entre MLP et Presstalis, important volume d'invendus, difficultés des marchands de presse etc.

Le rapport Schwatrz qui prépare la réforme nous semble malheureusement partiel et parfois partial. Par ailleurs, ce travail n'a pas été réalisé dans la sérénité. En témoignent l'évincement de Gérard Rameix et l'enterrement de son rapport d'une part, et les nombreuses réactions négatives de la part d'acteurs de la filière qui estiment ne pas avoir été entendus. De même, la F3C CFDT regrette de ne pas avoir été associée à la remise du rapport en juillet dernier.

 

C'est pourquoi nous saisissons l'opportunité que représente cette consultation pour amender le projet du législateur.

La F3C CFDT porte trois principaux messages à travers :

  • un volet sur la justice sociale pour les salariés,
  • un volet sur l'équité économique pour les entreprises qui opèrent dans le secteur
  • un volet politique pour notre société toute entière, dans laquelle la démocratie et l'émancipation de chacun passent nécessairement par la pluralité de la presse et l'accès à la culture.

Ces trois piliers font système : il n'y aura pas de pluralité de la presse sans un secteur de la distribution sain d'un point de vue économique, dans lequel des salariés compétents exercent leur métier de façon sereine.

La presse n'est pas une activité à banaliser, ses enjeux ne peuvent être réduits à des questions économiques et juridiques. La F3C CFDT espère un projet de réforme à la hauteur des enjeux, en phase avec les inquiétudes exprimées par des millions de nos concitoyens sur la circulation de l'information, la liberté de la presse et la lutte contre les populismes.

1/ Justice sociale pour les salariés

 Le projet de réforme présente principalement, dans ses grandes lignes, un aspect technique qui donne un regard sur le fonctionnement et l'ossature de la loi dans l'unique périmètre de la sphère économique.

 Dans l'intérêt de la filière, il est impératif de conjuguer le monde économique et social.

Pour cela, nous pensons qu'il est essentiel de compléter l'aspect technique de mise en place de cette nouvelle réforme par un éclairage transparent sur l'avenir social qu'elle engendre. Pour nous, cette carence doit être comblée. En effet, nous ne pouvons imaginer le fonctionnement du secteur de la distribution de presse, à travers ses trois niveaux d'exploitation, sans un socle social évident et prégnant pour l'ensemble des entités qui composent la filière.

 La CFDT est très attentive aux transformations sociales en général, et dans l'entreprise en particulier. Ce sont elles qui façonnent les conditions de travail à venir. Il est donc essentiel pour nous que les salariés bénéficient d'une restructuration des moins catastrophiques pour leurs emplois dans les trois niveaux d'exploitation de la distribution de la presse.

De la même manière, cette même réforme doit intégrer le principe d'évolution des emplois par l'accompagnement social de la formation des salariés.

 Pour l'heure, à la lecture du rapport Schwartz, il n'est nulle part fait état de la pérennité des emplois et surtout de leur évolution possible vers d'autres métiers au sein de la filière. Nous ne pouvons envisager l'avenir de la distribution de presse sans les compétences et l'efficacité de ses salariés. La question de la pérennisation des emplois fait sens avec l'économie et s'impose comme une évidence politique.

 Pour une meilleure mise en place de la loi, celle-ci doit anticiper la transformation professionnelle qu'elle annonce.

 Les difficultés doivent être palliées par un choix de restructuration sociale : formation, développement, zones géographiques.

 2/ Equité économique pour les entreprises du secteur

 Le rapport Schwartz opte pour une nouvelle forme de régulation en préconisant le rattachement de la distribution de la presse à l'ARCEP.

Le périmètre et les modalités d'intervention de l'ARCEP sont très flous ; les prérogatives de la régulation actuelle (CSMP + ARDP) seront-elles transposées ? Sur ce point, le rapport Schwartz suscite davantage de questions que de réponses et contribue à créer du doute, voire de l'anxiété.

Souhaitons que le pouvoir de l'ARCEP soit coercitif ; les règles interprofessionnelles existent (assortiment, mise à zéro, plafonnement) et doivent déjà être appliquées par tous. Cela permettrait de démontrer ou non leur utilité, à la fois sur une offre adaptée au point de vente et sur les quantités servies, avant d'imaginer d'autres process longs et coûteux pour la filière.

C'est pourquoi, la CFDT est favorable au remplacement du CSMP par une instance consultative et représentative de l'ensemble de la filière qui se composerait équitablement de représentants des 3 niveaux de fonctionnement, complétée des partenaires sociaux.

Ces derniers sont d'ailleurs absents du rapport Schwartz et n'ont pas eu le privilège de se voir présenter celui-ci par son auteur en juillet dernier, contrairement aux acteurs de la filière. Pour autant, des échanges réguliers ont été organisés à l'initiative de M. Schwartz avec les partenaires sociaux.

Par extension, la gouvernance des coopératives de distribution doit être le reflet de cette mixité. Notre proposition sur ce point s'oriente vers la mise en place d'une majorité d'administrateurs indépendants au sein des conseils d'administration des syndicats d'éditeurs et des coopératives.

 

La CFDT a toujours défendu l'idée de progrès social dans un rapport économique équitable. Nous pensons, avant de mener une politique sociale viable, qu'il est indispensable que les acteurs économiques de la distribution de presse s'engagent dans une même voie, celle de la parité, et quelques soient leurs tailles différenciées.

L'ARCEP, notée dans le rapport comme instance maitresse de la filière, rassemblerait plusieurs compétences pour mener à bien cette gestion économique. Elle pourra donc superviser le bon fonctionnement des instances en charge de cette tâche entre les différents acteurs. C'est pourquoi, la CFDT est favorable au remplacement du CSMP par une instance consultative et représentative de l'ensemble de la filière qui se composerait équitablement de toutes les sensibilités. Nous défendons ainsi, pour l'équilibre d'un pouvoir plus juste, l'intérêt économique au profit de tous, sans exception, et une gestion transversale aux trois niveaux de fonctionnement.

Cependant, nous ne pouvons que déplorer la disparition d'un système économique coopératif au seul avantage d'une mise en place d'un système commercial, qui pourrait à terme favoriser une compétition écrasante des plus forts sur les moins riches. Pour une plus grande transparence sur l'articulation du mécanisme de traitement, l'œil vigilant et la compétence de l'ARCEP sont nécessaires.

 Pour la CFDT, cette réforme peut être une réelle chance économique pour le secteur de la distribution de presse. Un fonctionnement coopératif généralisé doit se moderniser sans s'abandonner au seul profit d'un système de régulation qui finirait par casser le principe de solidarités entre les éditeurs.

Pour faire face aux GAFA, le système coopératif est un atout majeur pour éviter la marchandisation étouffante des géants du numérique. L'ARCEP ne devra en aucun cas déroger à son rôle de régulateur, et les nouveaux acteurs 3.0 devront à leur tour s'engager, en signant une charte, à respecter les règles du fonctionnement de gestion.

Le progrès social peut encore se bâtir davantage dans le secteur de la distribution de presse si chacun prend ses responsabilités dans l'anticipation de toutes les étapes de construction.

3/ Politique pour notre société toute entière

 Les exigences politiques ne peuvent se réduire à la presse dite IGP et à celle bénéficiant d'un n° de commission paritaire. Nous préconisons la reconnaissance de la presse comme produit culturel et la nécessité d'en garantir l'accès à l'ensemble des citoyens sur tout le territoire.

C'est d'ailleurs un point de convergence entre les représentants des salariés des messageries. La presse n'est pas une marchandise comme les autres et cela est d'autant plus vrai sur un marché dont les volumes ont fortement baissé.

Très concrètement, on observe que les pratiques banalisant le produit presse se sont soldées par un échec. La distribution par Géodis et le logiciel WMS sont de cuisants échecs impactant l'ensemble de la chaîne de valeur de la presse.

La problématique de la distribution de la presse est autant liée à la garantie de sa diversité pour assurer la démocratie, qu'à celle de son accessibilité géographique.

 Il est impératif de repenser les ventes directes du niveau 3. Ces dernières montrent l'efficacité du lien social qu'elles génèrent. Nous ne pouvons pas abandonner les marchands de presse sous prétexte que les ventes de titres baissent, mais repenser le lieu comme un nouveau carrefour d'idées ou de rencontres culturelles.

 Favoriser l'accès à la culture à nos concitoyens, c'est aussi :

  • intégrer la presse dans les programmes de promotion tels que le pass culture ;
  • systématiser le professionnalisme des acteurs du réseau de distribution par la formation ;
  • favoriser la connaissance du produit presse par les marchands de presse pour orienter, informer, conseiller la clientèle.

Au cours des 12 derniers mois, les échanges fréquents avec M. Schwartz ont permis à la CFDT de suivre son cheminement. Impliquée dans les enjeux de la filière, notre organisation syndicale a la volonté d'être acteur du débat social et économique.

A la lecture du rapport Schwartz et des contributions rendues à ce jour, nous constatons qu'aucune conviction profonde ne s'en dégage. Chacun reste sur son quant à soi.

S'il est louable d'avoir rencontré les différents acteurs de la filière, il est vain d'imaginer réussir à rendre ce secteur pérenne si l'on continue à éviter de les mettre autour d'une table. Il est indispensable de créer de l'adhésion autour d'un projet commun et global en favorisant les échanges.

La distribution de la presse est d'autant plus impactée qu'elle est un point de convergence de multiples mutations : technologiques, économiques, sociales, environnementales, sociétales, territoriales.

La prise en compte unique de l'axe économique et financier n'est pas la solution. Il s'agit au contraire d'un sujet à part entière qui ne saurait être traité dans un projet de loi de finance.